Nouvelles règles sur les délais de paiement entre entreprises : l’incertitude règne

Le législateur s’intéresse depuis longtemps à la problématique des retards de paiement dans les transactions commerciales. Cette attention est justifiée. Chaque entreprise a effectivement le droit que ses factures soient payées à temps par les autres entreprises, sinon sa liquidité et, finalement, sa solvabilité sont menacées. Il faut aussi éviter que les grandes entreprises puissent imposer des délais de paiement très longs aux petites entreprises.


Arie Van Hoe, CENTRE DE COMPÉTENCE DROIT & ENTREPRISE
11 janvier 2022

Les règles relatives aux délais de paiement entre entreprises sont contenues dans la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. Initialement, ces règles visaient à protéger les PME contre des délais de paiement longs qui seraient imposés par de grandes entreprises puissantes. La philosophie qui sous-tend cette législation, qui vise à protéger les petits acteurs économiques, est louable et n’est pas remise en question. 

À l’été 2021, le législateur belge a toutefois jugé opportun de faire un pas de plus. Dans la loi du 14 août 2021, il a fixé un délai de paiement maximum de 60 jours. Contrairement à ce qui se passait auparavant, ce délai maximum s’applique non seulement dans les relations entre les grandes et les petites entreprises, mais aussi dans les relations entre les grandes entreprises. Cette relation de paiement est donc désormais aussi soumise à des règles contraignantes. 

Le régime contraignant de délais de paiement entre grandes entreprises pose de graves problèmes à plusieurs niveaux. Avant de les exposer, nous faisons remarquer que ce changement ne résulte en aucune manière d’un besoin sociétal concret. Le législateur n’a en tout cas pas justifié un tel besoin pendant les travaux préparatoires. 

En principe, il n’y a aucune raison pour que le législateur réglemente de manière contraignante les délais de paiement entre les grandes entreprises. Contrairement aux PME, les grandes entreprises peuvent conclure leurs propres accords, sans devoir être soumises à un carcan législatif contraignant. Le principe de la liberté contractuelle doit s’appliquer pleinement entre les grandes entreprises, sachant qu’il est déjà largement corrigé par d’autres dispositions contraignantes et par la jurisprudence. 

Au-delà de ce point de principe, la loi du 14 août 2021 laisse de nombreuses questions importantes sans réponse d’un point de vue juridique. Les nouvelles règles s’appliquent-elles aux contrats en cours ? Quid si le contrat est soumis au droit étranger ? Le silence du législateur crée une insécurité juridique qui est en contradiction avec l’idéal d’une législation de qualité. 

Du point de vue concurrentiel, les nouvelles règles représentent un net handicap pour les entreprises belges par rapport à leurs concurrents situés dans des pays où le législateur s’abstient de telles règles. L’impact des nouvelles règles sur le cash flow des entreprises belges se révélera aussi préjudiciable au climat d’entreprise, qui est déjà sous pression. 

Du point de vue pratique, les règles entrent déjà en vigueur le 1er février 2022. Une période de transition aussi courte ne permet pas aux entreprises belges de contrôler, vérifier et, le cas échéant, adapter tous les accords concernés. C’est un travail de longue haleine qui coûte beaucoup de l’argent, de l’argent qu’il serait plus utile de consacrer à d’autres choses. 

FEB – Compte tenu de ces problèmes, la FEB plaide pour au moins un report de l’entrée en vigueur de cette loi. Sur le plan du principe, la question de savoir pourquoi ces nouvelles règles doivent être introduites, sans besoin concret, reste ouverte.

Photo ©belga

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