SOUS PRESS… ION (DENIS GEERS, GRAPHIUS GROUP)
Dans Let’s Talk, la FEB vous fixe rendez-vous avec une figure clé du monde entrepreneurial en Belgique chaque dernier jeudi du mois. Qui se cache derrière la femme ou l’homme chef d’entreprise ? Quel est le moteur qui la ou le pousse à faire tourner son activité 24h sur 24, 7j sur 7 ? La passion des chiffres, les gènes, l’ambition... ? Let’s Talk vous propose de découvrir une personnalité du monde du business, devant et derrière les coulisses. Vous entendrez aujourd’hui Denis Geers, CEO du groupe d’imprimerie Graphius, un acteur européen non négligeable qui emploie quelque 450 collaborateurs et a un chiffre d’affaires d’environ 100 millions EUR. C’est une performance remarquable dans un secteur qui a vu disparaître 40% de ses entreprises depuis la crise financière.
« Les conditions du marché peuvent être positives ou négatives. Mais en fin de compte, un entrepreneuriat positif permet de faire la différence. » Cette déclaration optimiste est typique de Denis Geers, qui, avec son frère Philippe, est à la tête du groupe d'imprimerie familial Graphius. Il combine en outre sa fonction de CEO avec la présidence de la fédération sectorielle Febelgra. Il maîtrise donc tant les aspects internes qu’externes du secteur.
Il n’est pas toujours évident de collaborer avec sa famille, mais cela débouche souvent sur de grandes réussites.Ainsi, l’entreprise a des clients de renom et de poids, comme Lucky Luke, les Schtroumpfs, Blake et Mortimer, Largo Winch, La Monnaie, Le Louvre à Paris, The National Gallery à Londres, le musée Van Gogh Museum à Amsterdam, le MoMa à New York... On peut en trouver la liste plus complète sur leur compte Instagram.
« Notre secteur est encore trop souvent pris en otage par des CCT conclues quand tout allait bien »
Buy and build
Depuis que leur grand-père André Geers a créé l’imprimerie en 1928, l’entreprise est devenue le plus grand groupe graphique de Belgique et un acteur européen non négligeable. Actif sur cinq sites à Gand, Anvers, Ostende, Bruxelles et Paris, il emploie quelque 450 collaborateurs et a un chiffre d’affaires d’environ 100 millions EUR. Une performance remarquable dans un secteur qui, depuis 2008, a vu disparaître 40% de ses entreprises, à l’exception des imprimeries de journaux.
« La croissance organique est quasi impossible dans un marché en contraction. Je crois fermement que notre stratégie ‘buy and build’ est le moyen d’assurer une croissance durable, une activité pérenne qui génère un chiffre d’affaires et des marges suffisants pour continuer à investir dans l’innovation. »
Acquisition et innovation vont de pair. L'innovation implique entre autres la digitalisation et l’automatisation. Dans le contexte de la pandémie, les entreprises ont plus que jamais passé leurs coûts au crible, y compris les coûts cachés. Faire plus avec la même équipe ou faire autant avec moins de personnes est devenu le mantra. Autrement dit, cela signifie qu’il faut moins de personnes. « Par tonne de papier, il faut effectivement moins de personnel. Or, le secteur n’a pas encore atteint le sommet de son automatisation. Par ailleurs, nous sommes confrontés à une énorme pénurie sur le marché du travail à cause du vieillissement. Au cours des quatre ou cinq prochaines années, le secteur prévoit environ 35% de départs. Bref, les départs dépassent les arrivées et le nombre d’emplois vacants augmente. De plus, l’image poussiéreuse du secteur graphique ne nous est pas favorable. Comme les écoles ne nous apportent plus beaucoup de recrues, notre entreprise a créé sa propre Graphius Academy où des personnes issues de secteurs totalement différents se forment dans notre domaine. Malgré la digitalisation croissante, le travail manuel reste nécessaire, car l'essentiel de ce que Graphius produit est du travail sur mesure qui n'est pas (encore) réalisable par une machine. »
S’organiser autrement
En plus de la crise sanitaire, d’autres problèmes freinent les ambitions. La pénurie de papier et de carton fait exploser le prix des matières premières de plus de 30 % et crée de graves problèmes d'approvisionnement. Les économistes craignent qu’on ne revienne plus jamais à l’ancien niveau de prix. Le secteur doit-il s’y résigner ? « Que ce soit clair : les prix d’avant le coronavirus ne reviendront plus. Nos clients comme nous-mêmes devons nous organiser autrement. En affinant les prévisions des commandes récurrentes, les producteurs peuvent mieux anticiper ce qui va arriver et constituer des stocks de papier de manière plus ciblée. Dans le même temps, les clients doivent se rendre compte et accepter que les commandes de dernière minute sont de moins en moins évidentes. N'oubliez pas que les producteurs de papier sont également sur le qui-vive depuis des années. D'ailleurs, historiquement, les prix du papier se stabilisent à nouveau au niveau de la fin des années 1990. »
Poussiéreux et trop bons ?
Le secteur graphique est très mal perçu. Il a une image poussiéreuse et est considéré comme un gaspilleur de papier non durable. « Les travailleurs de l’imprimerie ne rentrent plus chez eux le soir en bleu de travail et les mains pleines d’encre. Ils travaillent avec des équipements de pointe dans un environnement de haute technologie. En outre, la chaîne du papier est un exemple type d’économie circulaire. » Inverser la perception et la communication demandera encore beaucoup d’efforts.
Lorsque Denis Geens est devenu en 2018 président de Febelgra, la fédération sectorielle de l’industrie graphique, son prédécesseur Michel Pattyn lui a dit : ‘Soyez assertif et sachez que nous avons été trop bons pendant 30 ans.’ « Il voulait dire par là qu'aujourd'hui encore, nous sommes trop souvent pris en otage par des CCT et des accords conclus quand tout allait bien. Ainsi, le sursalaire pour le travail de nuit date des années 80 à une époque où ce type de travail était encore exceptionnel. Aujourd'hui, il n’est plus réaliste. Je parle en connaissance de cause, car je peux comparer avec notre imprimerie à Paris où nous travaillons au moins 10% moins cher. »
Entreprise familiale flexible
Malgré sa taille croissante et sa stratégie de croissance à forte intensité de capital, Graphius reste une entreprise dont la famille fondatrice est l'unique actionnaire. C’est un choix délibéré. « Cela rend les décisions d’investissement plus faciles et plus efficaces. Nous ne devons pas passer par cinq conseils d’administration de sorte que nous pouvons nous adapter très vite aux changements du marché. C’est un facteur de flexibilité pour l’organisation de taille moyenne que nous sommes, ce qui est vital dans notre secteur. »
Bloquez dès à présent dans votre agenda la date du prochain podcast Let’s Talk de la Fédération des entreprises de Belgique. Notre invité, Giles Daoust, incarne la 3e génération à la tête de l’entreprise du même nom. Son parcours professionnel n’a rien d’un long fleuve tranquille. Mais il est la preuve vivante que l’on peut entreprendre efficacement beaucoup de choses en étant bien organisé... et en mettant son ego de côté ! À écouter dès le jeudi 31 mars 2022.