Deal pour l’emploi - Un aperçu des mesures

Dans la nuit du 14 au 15 février, le gouvernement est parvenu à un accord sur le deal pour l’emploi, qui a pour objectif de mettre plus de personnes au travail en supprimant un certain nombre d’entraves sur le marché de l’emploi, mais aussi d’améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des travailleurs. Un accord a également été trouvé sur les deux dossiers les plus épineux : le statut des travailleurs des plateformes et la création d’un cadre juridique adapté à l’e-commerce. Il appartient maintenant aux partenaires sociaux de donner leur avis sur le paquet de mesures proposé. 


Monica De Jonghe, COMPETENCE CENTRE LABOUR & SOCIAL SECURITY Sandra Coenegrachts, COMPETENCE CENTRE LABOUR & SOCIAL SECURITY Jean-Charles Parizel, COMPETENCE CENTRE LABOUR & SOCIAL SECURITY Joris Vandersteene, COMPETENCE CENTRE LABOUR & SOCIAL SECURITY
16 February 2022

Les projets de texte, qui ont été élaborés par le Kern, comprennent notamment les mesures suivantes. Dans ce qui suit, seules les grandes lignes sont données, sans entrer dans tous les détails. Les textes pourraient encore être adaptés après avis du Conseil national du travail.

1. Une plus grande prévisibilité grâce à la modification du délai de notification des horaires variables de travail à temps partiel

Les délais de notification actuels de respectivement 5 et 1 jour(s) ouvrable(s) sont remplacés par 7 et 3 jours ouvrables. Il est important que les exceptions existantes de 1 ou 2 jours ouvrables soient maintenues, à moins que les partenaires sectoriels ne le souhaitent plus.

2. Une nouvelle flexibilité pour les travailleurs

Deux nouvelles formes de flexibilité des travailleurs sont introduites dans la législation du travail : les travailleurs à temps plein ont la possibilité de répartir la semaine de travail sur 4 jours au lieu de 5 ou de travailler selon un régime hebdomadaire variable.

L'introduction de ces deux régimes s'accompagne de nombreuses conditions supplémentaires.

L'employeur doit d'abord adapter le règlement de travail pour rendre possible l’un des deux ou les deux régimes au sein de l'entreprise. Ensuite, le travailleur devra demander par écrit à l'employeur l'autorisation de recourir à l'un de ces systèmes. Leur durée sera limitée à 6 mois, mais renouvelable. Si l'employeur accède à la demande du travailleur, un contrat est établi contenant un certain nombre de mentions obligatoires concernant le temps de travail. La législation définit les limites du temps de travail et son organisation. Une copie de la demande du travailleur ainsi que l'accord écrit doivent être conservés pendant la durée du régime de temps de travail dérogatoire à l'endroit où le règlement de travail peut être consulté. Ensuite, l'employeur doit le conserver pendant 5 ans. Enfin, une copie de l'accord écrit susmentionné doit être transmise au Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT) ou, en son absence, à la délégation syndicale.

L'employeur qui refuse de donner suite à la demande du travailleur doit motiver sa décision par écrit dans un délai d'un mois.

Le travailleur qui a fait la demande ne peut pas être traité défavorablement et l'employeur ne peut pas procéder à son licenciement, sauf pour des raisons étrangères à la demande. Cependant, aucune sanction n’a été prévue dans ce cas.

Enfin, le non-respect d'un certain nombre de prescriptions formelles est passible d'une sanction pénale de niveau 2.

Nous craignons que peu d'entreprises seront disposées à accorder cette nouvelle flexibilité aux travailleurs, en raison des nombreuses obligations supplémentaires qu'elle implique. Cela témoigne d’un manque de confiance dans les entreprises qui veulent introduire cette possibilité pour leurs collaborateurs.

3. Travailleurs des plateformes : la nature de la relation de travail (salarié ou indépendant) est désormais déterminée aussi par une liste de critères spécifiques

Il a été décidé d'inclure dans l'article 337 de la loi sur les relations de travail une liste de critères spécifiques pour les travailleurs des plateformes, partiellement inspirés du projet de directive européenne actuellement en discussion. Ceci est similaire à ce qui existe pour d'autres secteurs à risques (par exemple les transports, le nettoyage, la construction...).

Il s’agirait de 8 critères tels que l'exigence d'exclusivité, l'utilisation de la géolocalisation à des fins autres que le bon fonctionnement des services de base, la limitation de la liberté d'accepter ou de refuser des missions, la possibilité ou non de développer une clientèle en dehors de la plateforme...

Si 3 des 8 critères sont remplis ou 2 des 5 derniers, il y a présomption d'un statut de travailleur salarié. Cette présomption peut être réfutée sur la base des critères généraux de la loi sur les relations de travail.

Une assurance couvrant les accidents doit également être souscrite pour les travailleurs des plateformes.

Pour l'instant, la loi De Croo reste applicable aux travailleurs des plateformes.

Nous nous réjouissons que le gouvernement ait opté pour une réglementation qui s'aligne sur ce qui existe pour les autres secteurs de risques et contribue ainsi à la sécurité juridique.

4. Trajets de transition

Les trajets de transition devraient rendre le droit du licenciement plus activateur, en offrant aux employeurs et aux travailleurs un cadre dans lequel le travailleur peut travailler pour un autre employeur-utilisateur pendant la période de préavis en vue d'un engagement définitif. Ils sont organisés par les bureaux de travail intérimaire ou les services régionaux de l'emploi.

La durée du trajet de transition sera au maximum égale à la période de préavis (une période minimale doit encore être déterminée par arrêté royal).

Pendant le trajet de transition, l'employeur continue à payer le salaire, mais celui-ci est imputé en tout ou en partie à l'employeur-utilisateur, conformément aux accords conclus entre les deux entreprises.

À la fin du trajet de transition, l'employeur-utilisateur doit engager le travailleur via un contrat à durée indéterminée. Si aucun recrutement définitif n'a lieu, l'employeur-utilisateur doit verser une indemnité au travailleur.

Le travailleur qui entre définitivement au service de l'employeur-utilisateur accumule de l'ancienneté dès le début du trajet de transition, mais conserve toute l'ancienneté qu'il a accumulée chez son précédent employeur pour le droit au crédit-temps, à l'interruption de carrière ou aux congés thématiques.

5. Promouvoir l'employabilité avec 1/3 de la période de préavis 

Les travailleurs dont le délai de préavis est d’au moins 30 semaines auront droit, en plus des 4 semaines obligatoires d’outplacement (les 4 semaines déjà déduites des 30 semaines aujourd’hui), à des mesures supplémentaires visant à renforcer l’employabilité (formation supplémentaire, coaching, outplacement...), qui seront financées par les cotisations patronales sur l’indemnité/le délai de préavis. Elles sont calculées sur la base des cotisations patronales dues sur le salaire actuel ou l'indemnité de préavis, à concurrence de 1/3 du délai de préavis total dont sont déduites les 4 semaines d'outplacement. Désormais, le délai ou l'indemnité de préavis sera divisé(e) en deux parties. La première correspond aux 2/3 du délai ou de l'indemnité de préavis, avec un minimum de 26 semaines (délai de préavis normal), tandis que la seconde correspond à 1/3 de celui-ci (en plus des 4 semaines d'outplacement).

Il est positif que le gouvernement ait trouvé une solution pour une activation supplémentaire des longues périodes de préavis. La concertation n’y était jamais parvenue.

6. E-commerce

L'essor du commerce électronique au cours des dernières années ne se traduit pas suffisamment en termes de croissance économique et d'emploi en Belgique. L'une des principales explications est la réglementation stricte du travail de nuit, qui s'applique en Belgique dès 20 heures, contre 24h aux Pays-Bas et 23h en Allemagne. Le résultat est que les procédures supplémentaires à négocier et les surcharges allant jusqu'à 50%, ainsi que les coûts salariaux élevés mettent nos entreprises hors jeu et créent des emplois non pas en Belgique mais dans les pays voisins. Il s'agit principalement d'emplois destinés à des personnes peu qualifiées, ne nécessitant pas ou peu de qualifications.

Le gouvernement tente aujourd'hui de changer cela, d'une part en menant des expérimentations et d'autre part en rendant possible l'introduction du travail du soir par le biais d'une cct "ordinaire", en plus de la possibilité existante de modifier le règlement du travail. Les deux régimes seront évalués par le Conseil national du travail.

6.1   Expérimentations

Les entreprises pourront expérimenter le travail du soir entre 20 heures et minuit avec des volontaires, dans l'espoir de vaincre ainsi la réticence des travailleurs et des syndicats. Cela peut être fait une fois (au niveau de l'unité technique d'exploitation (UTE)) pour une durée maximale de 18 mois.

Les horaires pourront être intégrés automatiquement dans le règlement de travail, sans devoir passer par la procédure de modification.

L'élaboration de l'expérimentation doit suivre toute une procédure impliquant les organes/travailleurs de l'entreprise (la question est de savoir ce que cela signifie concrètement !).  En tous cas, cela ne devrait pas pouvoir impliquer que les syndicats peuvent bloquer les expérimentations). Les expérimentations, ainsi que l'implication des organes/travailleurs de l'entreprise et la durée de l'expérimentation doivent également être communiquées aux services d'inspection de la Direction générale contrôle des lois sociales et à la (sous-)commission paritaire compétente. À la fin de l'expérimentation, une évaluation doit être faite et communiquée au président du SPF ETCS et à la (sous-)commission paritaire compétente.

La demande du travailleur de participer à l'expérimentation ne peut donner lieu à un traitement défavorable de la part de l'employeur.

L'employeur ne peut prendre aucune mesure visant à résilier unilatéralement le contrat de travail d'un travailleur qui exerce ou non le droit de demander à participer à l'expérimentation, sauf pour des raisons étrangères à sa demande. La charge de la preuve de ces motifs incombe à l'employeur.

Il est positif que des expérimentations aient été rendues possibles. Il est toutefois regrettable que celles-ci soient strictement limitées au travail du soir dans le domaine du commerce électronique.  La procédure prévue est plutôt lourde et la crainte subsiste que les syndicats continuent de bloquer de facto.

6.2    Travail du soir par le biais d'une CCT ordinaire

Il sera également possible (à nouveau) d'introduire le travail du soir entre 20h et 24h dans les entreprises en concluant une convention collective de travail "ordinaire" avec l'un des syndicats présents dans l'entreprise, en plus de la procédure habituelle consistant à modifier le règlement du travail.  Ainsi, l'assouplissement qui existait entre 2017 et 2019 sera réintroduit pour une durée indéterminée. Toutefois, ce système n’a que rarement été utilisé dans le passé, ce qui soulève la question de savoir s'il le sera davantage maintenant.

7. Le droit à la déconnexion est le résultat d'une concertation d'entreprise, sectorielle ou interprofessionnelle (uniquement pour les entreprises comptant plus de 20 travailleurs)

Une CCT d’entreprise ou un règlement de travail devra déterminer les modalités précises en matière de déconnexion, sur la base d’un cadre minimal fixé par la loi.

Le cadre minimal suivant doit être fixé :

- les modalités pratiques de l'application par le travailleur de son droit à l'indisponibilité en dehors de ses heures de travail ;

- les lignes directrices pour utiliser les outils numériques de manière à préserver les temps de repos, les congés et la vie privée et familiale du travailleur ;

- des actions de formation et de sensibilisation des travailleurs et des dirigeants sur l'utilisation adéquate des outils numériques et les risques liés à une connectivité excessive.

La CCT d'entreprise doit ensuite être déposée au greffe de la Direction générale des relations collectives de travail du SPF ETCS. S’il s'agit d’un régime prévu dans un règlement de travail, une copie doit en être fournie à un fonctionnaire désigné à cet effet par AR.

Les entreprises ont jusqu'au 1er janvier 2023 pour élaborer un régime.

Néanmoins, un secteur ou les partenaires sociaux interprofessionnels du Conseil national du travail (CNT) peuvent décider d'élaborer une CCT, ce qui supprimerait l'obligation au niveau de l'entreprise.

On peut comprendre qu’il faille définir les modalités de connexion et de déconnexion. Mais un droit appelle automatiquement une obligation d’être connecté pendant les heures de travail. Il est à craindre que les personnes qui ont précisément le plus besoin d’une aide et d’un accompagnement supplémentaires, ainsi que les travailleurs qui ont besoin d’une grande flexibilité, éprouveront plus de difficultés à cet égard. Il est également regrettable qu’un dispositif faisant l’objet d’une concertation sociale soit déjà partiellement défini au préalable et puisse encore être rejeté après coup par l’administration en raison de l’obligation de publicité.

8. Droit individuel à la formation et plan annuel de formation : une réponse inadaptée aux défis d'aujourd'hui et de demain - création d'une base juridique pour l'ILA (individual learning account)

Le droit de formation moyen de 5 jours dans le cadre de la relation de travail dans les entreprises prévu dans la loi sur le travail faisable et maniable est transformé en un droit individuel de formation de 5 jours par an et par ETP à partir de 2024, avec un droit minimum de 3 jours en 2022 et de 4 jours en 2023. Les définitions de la formation formelle et informelle de la loi sur le travail faisable et maniable sont reprises et prises en compte pour l’exercice de ce droit.

Cela se concrétise par une CCT ou par l'octroi de jours de formation sur le compte de formation individuel tel que prévu dans la loi susmentionnée. La CCT est conclue pour une période de deux ans.

Pour 2021/2022, la date limite de dépôt est fixée au 30 juin 2022. Pour toutes les autres périodes biennales, la date limite est fixée au 30 septembre de la première année.

Le solde des jours de formation non utilisés est reporté à l'année suivante et le travailleur doit avoir bénéficié d'au moins 5 jours de formation par an en moyenne sur une période de 5 ans.

Il est important de noter que les secteurs peuvent augmenter ou diminuer le nombre de jours de formation imposés, avec un minimum de deux jours par travailleur.

La loi prévoit également qu'en cas de licenciement non imputable au travailleur, celui-ci a le droit de prendre les jours de formation accumulés avant la cessation du contrat de travail.

Les formations peuvent être suivies pendant ou en dehors des heures de travail. Dans le second cas, le travailleur a droit au paiement du salaire normal.

Les employeurs occupant moins de 10 travailleurs sont exclus de cette obligation d'octroyer un droit individuel à la formation. Pour les employeurs occupant entre 10 et 20 travailleurs, l'obligation est limitée à une moyenne de 1 jour par an et par ETP.

La FEB estime que l’établissement d’un cadre strict pour les droits individuels à la formation n’est pas la bonne réponse aux défis d’aujourd’hui et de demain. Ici encore, une approche sur mesure est nécessaire, en fonction des besoins des entreprises et de leurs travailleurs.

Le deal pour l’emploi crée également une base juridique pour l’ILA (individual learning account), dans le but de soutenir numériquement la création d'un compte de formation individuel pour chaque individu entrant sur le marché du travail belge.  La terminologie utilisée crée une confusion entre l'ILA et le "compte de formation individuel" pour les formations en entreprise dans les entreprises qui optent pour cette solution en l'absence de CCT sectorielle.

Par ailleurs, l'employeur devra chaque année établir un plan de formation (avec la liste des formations et le groupe cible auquel elles sont destinées, en accordant une attention particulière aux groupes à risques) pour le 31 mars et le soumettre aux organes consultatifs (dispositif en cascade) ou aux travailleurs au plus tard le 15 mars. Le plan contient au minimum les formations formelles et informelles et est valable pour une période minimale d'un an.

Les (sous-)commissions paritaires peuvent fixer dans une CCT les conditions minimales que doit contenir un plan de formation pour les employeurs relevant de ce champ d'application. Les employeurs occupant moins de 20 travailleurs sont exclus de cette obligation d’établir et de présenter un plan de formation.

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